La transidentité à travers les yeux de Lola

Cinéma | Dans « Lola vers la mer », Mya Bollaers incarne Lola, une jeune femme trans qui vient de perdre sa mère.

De MF

Publié le 07.04.20

3min

Le jour des funérailles, elle est confrontée à son père, joué par Benoît Magimel. Un père qui la rejette et refuse sa nouvelle identité. Des retrouvailles explosives puisque la fille et son père ne se comprennent pas. Touché dans sa masculinité, ce dernier n’accepte pas le changement physique de son enfant. Ensemble, ils partent dans un road-movie tendu et émotionnellement compliqué. Un trajet qui les emmène à la mer du Nord où ils confronteront leurs souvenirs familiaux.

Transidentité et transphobie

Le thème principal du film est bien évidemment la transidentité et, par conséquent, la transphobie. Dans une société où l'on ressent sans cesse le besoin de mettre les gens dans des cases, de poser des étiquettes sur tout, la transidentité peut être mal vécue. Principalement à cause du regard des autres. Dans le cas de Lola, c’est son père qui la voit encore comme son fils, Lionel. Et la non-acceptation de l’identité de Lola par son père est une douleur et un frein à leur réconciliation. De son côté, Philippe, le père de Lola, se retrouve confronté à des changements de société qu’il ne comprend pas, qui le dépassent. Lola est donc forcée de voir dans les yeux de son père ce petit garçon auquel elle ne s’identifie pas.

Un soutien aux minorités

Heureusement pour les personnes transgenres, il existe des associations qui les aident à franchir certains obstacles. Que ce soit pour obtenir leur opération de réassignation ou pour lutter contre les discriminations qu’elles subissent. Avant d’écrire son scénario, le réalisateur Laurent Micheli s’est tourné vers des associations comme Refuge, qui prévient l’isolement et le suicide des jeunes LGBT victimes d’homophobie et de transphobie et qui aide ceux qui se trouvent en situation de rupture familiale. Laurent Micheli a eu également des contacts avec Transkids, la première association belge francophone dédiée à l’accompagnement des enfants transgenres et à leurs parents. Transkids a pour mission de sensibiliser, former et informer le grand public sur la question de la transidentité chez les mineurs. Une association qui bénéficie du soutien de Mya Bollaers.

La relation parent-enfant

La transidentité n’est pas le seul thème abordé dans ce film. « Lola vers la mer », c’est aussi l’incompréhension d’un père face à son enfant, et inversement. Le film dépasse le sujet de l’identité et, plus particulièrement, de la transidentité. Le réalisateur aborde les relations parents-enfants et les problèmes de communication intergénérationnelle. S’il n’y a pas de véritable réparation de la relation, il y a une prise de conscience de la souffrance de chacun. Au bout de ce semi road-movie, un respect s’installe entre Philippe et Lola.

Vers un nouveau départ

Le père et son enfant sont réunis et parviennent à communiquer suite au décès de la mère de Lola. C’est donc un voyage initiatique vers le deuil qu’ils entament, bien malgré eux, ensemble : d’une femme pour l'un, d’une mère pour l'autre. Mais ils sautent également à pieds joints dans le deuil de l’enfance. Le père doit tirer un trait sur le fils qu’il a eu et qui n’existe plus en tant que tel. Lola, quant à elle, fait le deuil de son enfance. Une nouvelle vie s’offre à eux, une nouvelle relation et une nouvelle manière de communiquer. C’est sur cette note-là qu’on les laisse, à l’aube d'un nouveau départ.

L’opération n'est pas une finalité pour tou(te)s

Le film aborde aussi de manière assez discrète l’importance de l’opération chirurgicale. Avant le décès de sa mère, Lola a commencé ses démarches pour obtenir le droit à une intervention chirurgicale de réassignation génitale. Une nouvelle qu’elle se garde bien de dire à son père au moment de leurs retrouvailles. Cette opération, Lola en éprouve le besoin pour s’affirmer, pour se sentir complète en tant que femme. Pendant leur road-movie, Philippe réalise que Lola va se faire opérer. Cette dernière lui dit alors : « Que je la fasse ou pas, ça ne change rien au fait que je sois une femme ». Une manière de faire passer le message : l’opération n’est pas une finalité. Les personnes transgenres n’ont pas toutes besoin de passer par là pour se sentir entières dans leur identité.

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Nominations et récompenses

Formidablement bien accueilli par ses pairs, « Lola vers la mer » a remporté plusieurs prix. Une reconnaissance qui a rendu toute l’équipe un peu émue puisque c'était la première fois qu’une actrice trans obtenait un premier rôle au cinéma. Aux récents Magritte du cinéma 2020, c’est Mya Bollaers qui a remporté le meilleur espoir féminin. L’actrice a dédié son prix aux personnes trans : « Ce prix, c’est le mien… Mais ce n’est pas le mien. Je le dédie surtout à toutes les personnes trans et à toutes les personnes LGBT plus globalement, qui souffrent de discrimination ». Aux mêmes Magritte, « Lola vers la mer » a également remporté le prix des meilleurs décors. Le second long métrage de Laurent Micheli a également remporté le prix du meilleur Ramdam belge au Tournai Ramdam Festival ainsi que le prix Cinevox au Festival International du Film Francophone de Namur. « Lola vers la mer » était également nommé aux César 2020 dans la catégorie meilleur film étranger mais c’est « Parasite » de Bong Joon-ho qui a remporté la célèbre statuette.