Interview de Koen Mortier ("Un Ange")

Cinéma | Le cinéaste belge Koen Mortier sort son troisième long-métrage,"Un Ange". Il a été sélectionné aux Festivals d’Ostende et de Toronto. Nous avons rencontré le réalisateur à Ostende.

De Pickx

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"Un Ange" retrace la rencontre de Thierry (Vincent Rottiers), un sportif célèbre, et d’une prostituée africaine, Fae (Fatou N’Diaye).
Pendant son voyage au Sénégal, Thierry tombe amoureux de Fae. Dans leur union, ils trouvent la dignité et l'espoir de se libérer de leurs chaînes. Mais sous l’influence de la drogue, Thierry dérape. A l’annonce de son décès, Fae est arrêtée. La jeune femme devra retourner dans la chambre où tout a commencé.

Regardez la Bande annonce d’"Un Ange". Un film coproduit par Proximus.


Ce film sort en salle le 19 septembre. Lisez ci-dessous notre interview de Koen Mortier.

Retour à Ostende

Le Festival du Film d’Ostende s’est ouvert avec la projection de votre 3e film, "Un Ange". Votre impression ?

Koen Mortier: "Je suis content qu’"Un Ange" puisse faire l’ouverture du festival. Peter Craeymeersch (Directeur du tourisme à Ostende, NDLR) a réagi dès qu’il a vu mon film et, pour ma part, je n’ai pas hésité une seconde à accepter qu’il soit présenté.
Ostende me colle à la peau. Mon premier long-métrage, "Ex-Drummer", était filmé ici, dans la ville balnéaire. Nous pouvions déjà compter sur le soutien de Peter et de son équipe. Et maintenant, "Un Ange". Ce sont de belles retrouvailles."

Un drame amoureux

Qu’est-ce qui vous a donné envie de réaliser "Un Ange" ?

Koen Mortier: « Dans son dernier roman, Dimitri Verhulst imagine la mort mystérieuse du cycliste Frank Vandenbroucke. J’ai lu son livre, ("Monoloog van iemand die het gewoon werd tegen zichzelf te praten") lors d’un court voyage. Quand je l’ai terminé, je me suis dit : je veux en faire un film. Son point de vue est fantastique, l’hypothèse selon laquelle il s’agit d’une tragédie, le fait qu’un drame amoureux découle de cette histoire. Parce qu'en fin de compte, nous ne savons pas ce qui s’est passé.

Mon désir d’en faire un film a été renforcé en allant au Sénégal. Là-bas, lors de ma rencontre professionnelle avec plusieurs prostituées, une fille très sympathique m'a beaucoup impressionné. A vingt-quatre ans, elle s'était prostituée pour fournir de la drogue à son petit ami. Elle était très ouverte et m’a tout raconté. Une histoire violente et tragique, sur laquelle j'ai greffé le personnage de Fae.
C’est une femme qui savait s’exprimer. Le personnage de Fae est aussi comme ça. »

Au Sénégal

Votre film se passe au Sénégal. Comment s’est déroulé le tournage?

Koen Mortier: "C’est un pays fantastique, magnifique, avec de belles personnes. C'était vraiment cool de filmer là-bas et cela s'est étonnamment bien passé. Au préalable, j’avais toutes sortes d’hypothèses, qui ne s’avéraient finalement pas correctes. Ce doit être un parti pris d'Européen.

J'avais déjà voyagé au Sénégal auparavant. Mais ça a été encore mieux que ce que je pensais. Lorsque vous filmez, vous avez de véritables contacts avec toutes les personnes impliquées. Avec notre équipe sénégalaise, cela a parfois produit des situations amusantes. Nous avons par exemple appris qu'il n'y avait rien d'autre au menu, pour l’équipe, que du poulet avec du riz. Un jour, l’un de nos employés a fait des spaghettis… Mais cela n’a pas plu à l'équipe sénégalaise !

A travers cette expérience, j'ai aussi eu envie de découvrir l'Afrique plus profondément. J’étais déjà allé en Afrique du Sud et au Maroc, mais je suis vraiment ravi d’en avoir vu plus."

Pas besoin de casting

Un mot à propos du casting? Pourquoi avoir choisi Vincent Rottiers et Fatou N'Diaye pour les rôles principaux ?

Koen Mortier: "En général, je ne fais pas de casting. Je n’aime pas ça. Je réfléchis à qui je verrais dans le rôle, puis j’essaie de rencontrer la personne.

Fatou N’Diaye est une actrice sympa, cool, avec un caractère fort. Elle est aussi très chaleureuse et impliquée. Nous avons passé un mois et demi dans un village du Sénégal et elle a eu de véritables contacts avec toutes ces personnes. Lorsque je l'ai vue pour la première fois, elle était cependant très timide. Fatou avait raté son train, elle était nerveuse et un peu débraillée. Je n'ai pas beaucoup vu de potentiel lors de cette première rencontre, mais un producteur m'a convaincu de lui donner une autre chance. Nous avons ensuite été à Paris pour une deuxième réunion, où elle était beaucoup plus confiante. J’ai eu le déclic !

Pour le rôle de Thierry, j'avais d'abord un autre acteur en tête, mais le déclic était plus difficile. Je pensais aussi qu'il ressemblait trop à Frank Vandenbroucke. La vie de Frank pourrait devenir un film formidable, mais ce n'est pas ce film que j’ai voulu tourner. Un ange ne raconte pas son histoire.

Vincent Rottiers, je l’ai vu jouer dans "Bodybuilder", "Dheepan" et puis dans "Le Monde nous appartient". De plus en plus, je commençais à l’imaginer dans le rôle de Thierry. Vincent a quelque chose de contemporain. Comme ces jeunes sportifs, ces footballeurs tatoués. Je voulais quelqu'un qui possède une certaine agressivité, mais aussi de la tristesse, beaucoup d'émotions."

Une bande-son envoûtante

La musique est importante dans "Un Ange", elle apporte une atmosphère mélancolique.

Koen Mortier: "J’écris habituellement en écoutant de la musique et j'ai entendu un album de Soulsavers. Lorsque je suis allé chercher un deuxième album de ce groupe, je suis tombé sur une musique dédiée à l’œuvre de Stanley Kubrick. Wauw !

Je voulais travailler avec ces gars-là et je suis allé à Londres pour rencontrer Rich Machin. Nous avons travaillé un peu, beaucoup bavardé et rigolé. J'ai dit: "Je veux utiliser ces chansons et d’autres du disque de Kubrick, et j'aimerais que vous composiez le reste". Dès que les premiers morceaux de musique sont arrivés, je savais que ça allait. La musique contribue à l'ambiance du film, qui parfois vous prend la gorge et fait presque peur. "

Un univers sombre

L’ambiance du film est sombre, de mauvaise augure...

Koen Mortier: "En effet. Il y a parfois un sentiment d’effroi, que je voulais faire passer dans tout le film... Les longs plans y contribuent également, car ils créent une chronologie que le spectateur comprend. Les crises d’anxiété ou les hallucinations se démarquent du reste."

L’image est aussi très belle. Vous avez travaillé avec Nicolas Karakatsanis, qui a filmé "Tête de boeuf" et "Moi, Tonya".
 

Koen Mortier: "Je connais Nicolas Karakatsanis depuis longtemps. "Small Gods", le film qu’il a fait avec son frère Dimitri, nous l’avons financé en partie. Nous avons toujours été proches. Mais jusqu’à présent, nous n’avions pas tourné ensemble. Pour "Un Ange", j’ai pensé: maintenant je veux bosser avec Nicolas."

Avez-vous décidé ensemble de ce que vous désiriez comme résultat visuel?

Koen Mortier: "Je détermine le rythme des images. Mais au final, les couleurs et le ressenti, c’est le truc de Nicolas. Par exemple, les nuits sont dures, sombres, mais colorées. Je voulais que l’on sente les couleurs, de nuit. Même si au Sénégal, on ne voit rien la nuit… C'était un peu fou, mais ça marchait bien, nous n’avons pas tourné en numérique mais en cinéma."

Crowdfunding

Vous avez fait appel au crowfuding?

Koen Mortier: "Oui, filmer sur une pellicule coûte très cher et c'est pourquoi nous avons organisé un financement participatif pour nous aider à en supporter les coûts."
Au Sénégal, nous avons parrainé un groupe de jeunes qui souhaitaient créer une équipe de football, qui pouvaient acheter toutes sortes de matériel et qui ont maintenant un entraîneur pendant un an, grâce au montant donné.

C’est un beau projet !

Koen Mortier: « Nous ne voulions pas seulement aller là-bas, tourner un film et repartir. C'est bien de pouvoir laisser quelque chose où nous sommes allés. Pour la figuration, nous voulions des personnes locales, de Dakar, et non des acteurs professionnels. Tous les extras leur ont été payés. Ainsi, les figurants ont bénéficié de salaires équivalents à quelques mois de plus, en l'espace de plusieurs jours. C'est aussi important : vous n'arrivez pas au Sénégal en tant que « colonial », mais en tant que cinéaste. C'est une grande différence. »

Interview de Koen Mortier par P. N. Traduction et adaptation V. N. pour Proximus TV.

"Un Ange" est une production de Koen Mortier et Eurydice Gysel pour CZAR Film en coproduction avec Anonymes Films, Telenet et Proximus. Avec Vincent Rottiers, Paul Bartel et Fatou N’Diaye.

Regardez tout ce que vous aimez, où et quand vous voulez.

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