Certains styles musicaux poussent-ils les ados au crime ?

Musique | C'est ce qu'une étude semble démontrer

De Pickx

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Si vous voulez savoir si un adolescent commettra des petits larcins à 16 ans, observez la musique qu'il écoute à 12 ans. Les enfants qui écoutent à cet âge-là des musiques considérées comme marginales, hard rock, hip-hop ou house, courent statistiquement plus de risques de développer un comportement criminel ultérieur. C'est la théorie avancée par Tom ter Bogt et Loes Keijsers, des chercheurs qui s'intéressent à la jeunesse et à la famille à l'Université d'Utrecht. Le résultat de leurs travaux est publié dans le numéro de février de la revue américaine Pediatrics.

Un puissant révélateur

Le duo a étudié pendant quatre ans un peu plus de 300 jeunes Néerlandais. Les chercheurs en concluent que les goûts musicaux sont un puissant révélateur de délits mineurs ultérieurs. "Nous nous attendions à ce que les troubles comportementaux soient les plus annonciateurs des problème ultérieurs, mais ce n'est pas le cas. Ce sont les goûts musicaux qui permettent le mieux de repérer les enfants de 12 ans qui auront des problèmes de comportement ultérieurs", explique Ter Bogt. "Même en tenant compte du contexte socio-économique et de la personnalité des jeunes, les préférences musicales demeurent un facteur prédictif fort."

Top 40

L'équipe de scientifiques d'Utrecht fait une distinction entre les enfants qui écoutent de la musique traditionnelle et ceux qui préfèrent la musique marginale ou non-traditionnelle. Les enfants de 12 ans qui préfèrent le top 40, comme ceux qui préfèrent écouter de la musique classique et du jazz, n'ont que peu ou pas de problèmes de comportement plus tard. Comme l'explique ter Bogt: "Le groupe à risque est celui des enfants qui, à un jeune âge, ont une préférence pour les musiques considérées comme moins conventionnelles : heavy metal, punk, rock gothique, hip hop, hard house ou techno.".

La théorie du Marqueur Musical

Afin de clarifier la façon dont les préférences musicales peuvent être révélatrices de problèmes de comportement ultérieurs, Ter Bogt a développé ce qu'il appelle la théorie du Marqueur Musical (MMT). "Parce que c'est bien ce qu'est la musique à un jeune âge : un marqueur ou un indicateur des petits comportements criminels ultérieurs tels que les vols à l'étalage, le vandalisme ou la participation à des bagarres dans les soirées."
 
Dans sa théorie du Marqueur Musical, ter Bogt suppose que les domaines où les jeunes adolescents peuvent enfreindre les règles sont très rares, car ils sont encore souvent sous la coupe de leurs parents et de leurs enseignants. Mais une fois dans leur chambre, ils peuvent écouter sans censure la musique qu'ils préfèrent. C'est de cette façon qu'un enfant développe sa préférence pour des musiques "mainstream" ou des genres plus marginaux. Ensuite, lorsque les enfants vieillissent, la surveillance de leurs faits et gestes se relâche, ce qui laisse plus de place à des comportements hors de la norme. Les enfants qui affichent des goûts non-traditionnels, partent ensuite à la recherche d'amis qui leur ressemblent. Loin du regard des adultes, ils vont s'imiter et se renforcer mutuellement, glissant de plus en plus vers des comportements hors norme. "Ce trouble du comportement qui se développe au sein du groupe est contagieux : on s'excite mutuellement et c'est finalement le groupe entier qui peut déraper."

Nuances

Cette idée que la musique initie des comportements hors de la norme auprès d'une jeunesse sans repère est aussi vieille que les Beatles. Mais les nouvelles recherches sur ce thème ont provoqué un véritable tollé. Cette étude sur les relations à long terme entre goûts musicaux et comportement criminels est pourtant très nuancée. Les chercheurs expliquent en effet qu'aucun lien de causalité absolue n'existe entre les goûts musicaux et le comportement. Autrement dit, il n'existe aucune preuve que la musique puisse pousser à la criminalité. Mais ils observent que ceux qui écoutent des genres musicaux dits marginaux sont plus susceptibles de basculer vers la petite criminalité.

Pas une nouvelle découverte

La chercheuse hollandaise Linda Duits, spécialisée dans la culture des jeunes, comprend la levée de boucliers mais défend ses collègues d'Utrecht. "C'est un simple pronostic, pas du déterminisme. En outre, ce ne sont pas les genres musicaux qui sont ici en cause. Le hip-hop ne conduit pas à la criminalité et le hard rock ne mène pas au vandalisme. La seule chose que cette étude montre, c'est que les jeunes adolescents qui aiment la musique rebelle ont de grandes chances, quelques années plus tard, de développer un comportement rebelle. Cette conclusion n'a rien de choquant."

Symptôme

Pour Linda Duits, il est donc important que les préférences musicales ne soient pas considérées comme une cause mais bien comme un symptôme possible de ce comportement anormal. Une préférence pour des genres musicaux marginaux va souvent de pair "avec le rejet des institutions sociales comme la famille et l'école." La musique ne provoque pas les comportements hors norme, mais elle peut être une indication lisible que quelque chose ne va pas dans l'univers émotionnel d'un enfant.

Pas de panique

On peut donc dire qu'un signal orange s'allume quand un enfant se plonge, par exemple, dans le rock métal scandinave ou le punk gothique. Même s'il ne faut pas dramatiser, estime Pedro de Bruyckere, chercheur et expert de la culture des jeunes à la Arteveldehogeschool. "Les jeunes utilisent la musique, la mode ou les médias dans la construction de leur identité. Et se rebeller est une phase typique de l'adolescence. Ce qu'il faut éviter, c'est une panique généralisée chez les parents qui auraient constaté que leur fils bien aimé écoute du gothique dans sa chambre."

Faut-il interdire ces musiques ?

Que faire, alors, si l'on est confronté à un ado de 12 ans qui passe ses journées à écouter du heavy metal, du gangsta rap ou de la hard house ? Selon Loes Keijsers, interdire aura des effets contraires à ceux recherchés. "Les recherches prouvent que tout ce qui est interdit devient attirant." Et ter Bogt d'ajouter : "Pour les ados, écouter de la musique a également une influence très positive sur la façon de faire face aux problèmes, d'envisager le monde et de se construire. N'oubliez pas que le type de comportement que nous étudions ici est pour la grande majorité des jeunes un comportement momentané. Quand les jeunes se rapprochent de l'âge adulte, les vols ou les bagarres ne les intéressent plus. Mais les goûts musicaux, même marginaux, demeurent. Même s'ils abandonnent leur coupe de cheveux provocante, ils ne perdent pas l'amour de la musique."

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